Au Mali, des dizaines de corps retrouvés près d’un camp de l’armée après une rafle de civils

Article original dans Le monde avec AFP

Les victimes appartiennent en majorité à la communauté peule, régulièrement la cible d’amalgames l’assimilant aux djihadistes.

Des corps ont été découverts aux abords d’un camp militaire malien, quelques jours après l’arrestation par l’armée et de paramilitaires de la Légion Wagner Istra (nom du Groupe Wagner depuis la fin de 2024) de dizaines de civils appartenant pour la plupart à la communauté peule, ont affirmé mercredi 23 avril à l’Agence France-Presse (AFP) plusieurs témoins et une organisation locale.

Le 12 avril, des soldats de l’armée malienne et des mercenaires russes ont arrêté des dizaines d’hommes au marché de Sébabougou (Ouest) pour les conduire au camp militaire de Kawla, ont affirmé deux rescapés ayant fui en Mauritanie.
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Le Mali, pays d’Afrique de l’Ouest dirigé par une junte, est en proie aux agissements de groupes djihadistes. Les militaires au pouvoir se sont éloignés des anciens alliés occidentaux, pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie.

Un premier témoin raconte que lui et d’autres hommes ont été interrogés sur leurs rapports avec les djihadistes : « Ils ont fouetté les gens. » L’homme explique que les paramilitaires russes l’ont emmené avec d’autres hors du camp pour les exécutés : « Les militaires blancs ont tiré sur nous en rafale. Je suis tombé comme les autres. Très rapidement, les militaires sont partis. Moi, je n’étais pas mort, mais je suis resté couché pendant plusieurs heures. J’ai vu près de 70 corps. »

Des accusations de massacres récurrentes

Un second témoin qui a également fui le pays dit avoir échappé à la mort : « J’étais dans le groupe qui est resté [dans le camp] quand les autres sont sortis pour être tués. » « On a une liste de 65 personnes qui aujourd’hui sont portées disparues. Ce sont majoritairement des Peuls », a fait savoir à l’AFP mercredi une organisation communautaire locale ne souhaitant pas être identifiée. La communauté peule est régulièrement la cible d’amalgames l’assimilant aux djihadistes.

Un troisième témoin affirme s’être rendu lundi à proximité du camp à la recherche de ses proches arrêtés : « Ce que nous avons vu est terrible. Des corps, des gens tués, des civils. » Le jeune homme d’une vingtaine d’années affirme qu’il n’a pas été arrêté, car il était malade le jour de la rafle. Comme d’autres témoins et habitants de Sébabougou, il a fui pour la Mauritanie. « Ils ont tué gratuitement des gens », témoigne-t-il à l’AFP. « Ils ont découvert des corps éparpillés partout en état de putréfaction. Ils n’ont pu reconnaître qu’une seule personne parmi elles », décrit l’organisation communautaire locale.

L’armée malienne et son allié, le groupe paramilitaire russe, sont régulièrement accusés de commettre des exactions contre des civils. En février, une vingtaine de civils ont été tués dans le nord du Mali quand leurs véhicules ont été pris pour cible par l’armée et des mercenaires, selon des sources locales.

Depuis qu’ils ont pris le pouvoir lors de coups d’Etat en 2020 et 2021 au Mali, les militaires ont rompu l’alliance de longue date avec l’ancienne puissance coloniale française et se sont ensuite tournés vers la Russie.

Le Mali est en proie depuis 2012 aux agissements de groupes affiliés à Al-Qaida et à l’organisation Etat islamique (EI), et aux violences de groupes communautaires et crapuleux. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé en décembre 2024 les « atrocités » commises contre les civils par l’armée malienne et la Légion Wagner Istra, ainsi que par les groupes armés islamistes.

Le Monde avec AFP